Au coeur d’Hexatrust
Située en plein cœur de Paris, comme beaucoup d’entreprises d’Hexatrust qui veulent à la fois attirer les jeunes générations pour qui les tours de La Défense appartiennent au passé, tout en restant proche des grands clients, SYNETIS, créée en 2010, respire l’adrénaline et l’énergie. En plein travaux le jour de notre visite, on y est reçu comme on y travaille : cash et sans fard.
Le ton est donné dès l’entrée dans les locaux : après avoir manqué de s’étaler sur un pas de porte en plein montage, on se rattrape en évitant de justesse le vol plané devant des ouvriers en bleu de travail, perceuses à la main, qui en ont vu d’autres. Le babyfoot totalement ignoré dans les travaux sert pour l’instant de support à quelques outils, et un superbe portrait en noir et blanc de Steve McQueen sous cellophane attend d’être posé au mur. Ça pulse, ça respire l’énergie, voire, travaux obligent, une certaine adrénaline. Notre hôte s’excuse de nous voir enjamber des rouleaux de fil électriques et de devoir parfois attendre la fin des bruits de perceuse pour discuter. On n’en a cure. On veut du live, on l’a.
Quoique acrobatique se révèle parfois cette journée, à jongler entre les pas de porte traîtres, et la disponibilité des dirigeants coincés entre deux rendez-vous urgents, ce n’est pas choquant, parce que toute société en phase de croissance et de consolidation vit ce genre de journée de dingue à un moment ou à un autre. Pour mémoire, les dirigeants de Wallix avaient été saisis au vol avant un déjeuner investisseurs absolument pas prévu au départ. Ce timing tout le temps aussi speed, fait partie de l’ADN des entreprises d’Hexatrust, pour lesquelles la croissance est telle que le temps est raccourci par rapport aux phases de développement d’une entreprise « classique ».
Eric Derouet, directeur associé et co-fondateur, ne fait pas exception à la règle. Le ton est donné : 10 minutes d’interview, soit l’équivalent d’un « speed dating » et la durée moyenne d’une présentation commerciale devant un prospect important. L’homme est du style pressé.
Une rencontre de deux tempéraments
Comme beaucoup d’histoires entrepreneuriales qui marchent et deviennent pérennes, l’histoire de SYNETIS est née de la rencontre fortuite et amicale de deux tempéraments opposés, qui en ont eu assez des chemins et des carrières balisés, et ont décidé un jour, a un seuil de leur vie professionnelle, de créer quelque chose ensemble. Éric Derouet, le commercial, le fonceur, et Rémi Fournier, l’ingénieur, le « calme » du duo, se sont rencontrés il y a plus de dix ans.
« SYNETIS a été créée en 2010, explique Éric Derouet. Nous avions envie d’une aventure entrepreneuriale avec Rémi, et c’est au cours d’un repas d’anniversaire, que nous avons commencé à en parler. J’avais travaillé sur plusieurs marchés, dans plusieurs domaines, avec plusieurs statuts, en passant de freelance à associé, dans le domaine de la cybersécurité, en Belgique et en Angleterre. Nous avions travaillé ensemble chez Kernel1 ; nous nous apprécions professionnellement, je voulais entamer une nouvelle aventure, et lui aussi. On s’est dit lors de ce dîner : et pourquoi pas ? »
Et pourquoi pas ? Le marché est porteur, le timing professionnel et personnel des deux associés est le bon. « Nous avons cédé les parts que nous détenions dans notre entreprise précédente, et nous avons créé SYNETIS», explique Éric Derouet. Le marché identifié a très vite été celui de la cybersécurité, plus précisément de la gestion des identités et des accès, qui est un marché historique. Depuis, l’offre de SYNETIS se structure en plusieurs pôles.
« On avait 60 ans à deux, lance un brin provocateur, Éric Derouet. Cela fait treize ans qu’on se connaît », précise en écho Rémi Fournier, joint plus tard par téléphone. La répartition des rôles semble assez vite tracée : à Éric Derouet, adepte des défis et du dépassement de soi, la conquête des marchés, la définition de l’offre et l’approche commerciale. A Rémi Fournier, l’ingénieur diplômé d’un master en cybersécurité de l’UTT de Troyes, les choix technologiques, la consolidation des processus, la stabilisation de la croissance.
On se doute assez vite que Rémi Fournier cultive un tempérament plus posé : l’un fonce, l’autre canalise. Cette répartition des tâches, apparemment classique dans une aventure de cette nature, n’empêche pas, et c’est heureux, d’être d’accord sur l’essentiel; c’est-à-dire les valeurs de l’entreprise, et une vision raisonnée de la croissance. Car, comme l’explique en souriant Éric Derouet « on est dans le même bureau plus de 10h par jour, vaut mieux qu’on soit en phase ». « Ça nous est arrivé de ne pas être d’accord, mais on ne s’est jamais engueulés », répond en souriant Rémi Fournier. « Et je crois que notre désaccord n’a pas duré plus de quelques heures ». « On s’est trouvés. Et quand on trouve un bon associé, on ne s’en sépare pas » explique Éric Derouet.
Rémi Fournier parle de « satisfaction du client, de notion de travail bien fait ». Creusons un peu, parce que ça nous semble un peu trop lisse. « En fait, reprend Éric Derouet, et même si nous nous développons rapidement, nous voulons garder les pieds sur terre pour la gestion de cette phase critique de la croissance, que nous avons rencontrée, comme tant d’autres entreprises, quand nous avons atteint le seuil de 50 salariés. C’est un seuil fatidique, parce qu’il faut inévitablement mettre en place des process, sans casser la dynamique initiale, ni se tromper dans les axes de développement… Ce pourquoi nous restons axés sur nos quatre pôles, sans chercher à en développer d’autres, et nous nous développons, mais de manière raisonnée. Outre des bureaux à Rennes, nous avons planifié d’ouvrir un bureau à Toulouse au premier trimestre 2019, et à Nantes, au 3ème trimestre. Et il nous est arrivé de répondre par la négative à des clients, parce que notre offre ne correspondait pas à leurs attentes, et parce que ce n’était pas dans notre palette d’offres. Cela a beaucoup surpris ».
Le recrutement, est une étape clef de la croissance
Un des éléments fondamentaux de gestion de la croissance – c’est aussi une constante pour le développement d’une entreprise comme SYNETIS – passe par la qualité du recrutement. « C’est un des éléments clef de pérennisation de la croissance », souligne gravement Rémi Fournier, et il ne faut absolument pas « se louper » dans le processus. « Notre croissance se fait exclusivement, pour l’instant, sur fonds propres » explique Rémi Fournier. « Ce qui veut dire que nous avons à la fois la capacité de transmettre une culture d’entreprise, sans exigences d’actionnaires extérieurs sur des profils à intégrer. Mais pour cela, et à partir du seuil de 50 salariés, il faut être capable de transmettre, de déléguer, et de recruter des profils à la fois jeunes, mais aussi expérimentés, qui savent passer le relais des dirigeants ».
C’est assez perceptible dans les discussions informelles et libres avec l’équipe : à une table ovoïde, des jeunes comme Brian, adepte du jeu de go, Pierre, et Arnaud, un des benjamins (23 ans), diplômé lui aussi de l’UTT de Troyes, passionné d’algorithmes, s’intègrent avec beaucoup d’humilité et une grande dose de maturité précoce dans des environnements difficiles, même si le jeune Arnaud, dont le physique juvénile n’a pas forcément facilité le travail avec des clients plus âgés, ne s’est pas laissé démonter par sa jeunesse et a tenu en vertu d’un axiome somme toute très sage : « en cyber, on aime le travail bien fait ».
Mais les aînés, ou plutôt les profils plus expérimentés, sont aussi là pour veiller au grain, c’est une des tâches les plus difficiles, mais aussi les plus passionnantes du job des ressources humaines. Lors du déjeuner, il m’est donné de discuter de manière informelle avec Michael, le responsable marketing et communication, au passé de graphiste, ou avec Nicolas Boucher, qui s’occupe du « channel » et des partenaires, tout en ayant travaillé avant dans l’audiovisuel et en ayant fondé un studio – qui existe toujours – d’animation 3D puis chez un éditeur en cybersécurité durant 3 ans. Ce type de profils expérimentés sans être normés, contribue à la pérennisation de cette croissance durable. Une précaution pas inutile quand les effectifs ont été progressé de 50% par an depuis 5 ans, et la surface des locaux (les travaux en attestent ! ) aussi.
Le respect, une valeur fondamentale
De manière sans doute plus inattendue, mais surtout fondamentale, Éric Derouet, débusqué sans le vouloir au titre d’une question, prend le temps de réfléchir avant de répondre : « Vous savez, je ne sors pas d’un milieu aisé. J’ai vécu la vie d’un gamin d’une cité de banlieue, et j’ai voulu me construire par moi-même. J’ai lu, j’ai évolué. J’ai appris à parler différemment quand j’étais devant des grands prospects. Mais il m’en est resté deux notions fondamentales : aucun itinéraire n’est tracé à l’avance, et, pour recruter, j’ai parfois un faible pour les « gueules cassées ». Ce qui veut dire, en clair, que je peux avoir un ancien ajusteur dans les équipes s’il apporte un savoir-faire et une envie que je ne trouve pas dans les circuits qualifiés de classiques, surtout sur des marchés aussi nouveaux et complexes que les nôtres. ». Avant d’ajouter, plus grave : « on va vite, c’est vrai, on est extrêmement exigeants, mais on forme nos équipes, on les intègre. Et si je retiens un mot de tout cela, c’est avant tout celui de respect. On ne construit rien à long terme sans respect, ni de ses clients, ni des gens qui travaillent avec vous ». ❍
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Sylvaine Luckx / mardi 5 février 2019 / Thèmes: Hexatrust